Onuphrius ! Ce nom est à lui seul tout un monde. Il est celui d’un personnage fantasque, jeune peintre et poète d’un romantisme exalté, extravagant par sa mise et sa coiffure, rétif à la fréquentation du monde et dédaigneux de ses conventions. La lecture d’épopées surnaturelles, de traités de magie, de ballades germaniques, enflamme son imagination ; celle des contes d’Hoffmann, de Chamisso, des romans de Jean Paul, enfonce son caractère, prédisposé à la mystique, dans une superstition obsessionnelle, ébranle ses nerfs et dérègle son esprit fragile. En proie à la malignité de forces occultes, il se voit successivement dépossédé de ses propres œuvres, attribuées à d’autres, privé de ses propres idées, qui, matérialisées, s’échappent en désordre de son malheureux crâne, et forcé magiquement de déclamer des vers rococos, que la société applaudit, mais qui ne sont pas les siens.
Ce personnage, nous le devons à l’inépuisable imagination de Théophile Gautier, prince du style. Chez lui, la profondeur de vue psychologique voisine avec la parodie, le brio de l’action avec l’étincelante virtuosité de la description. Onuphrius pourrait représenter, aux côtés du Horla plus tardif, un genre : le fantastique, mais un fantastique mâtiné de burlesque ; un siècle : le dix-neuvième, âge de plomb littéraire et politique, à en croire certains de ses propres acteurs (les frères Goncourt), mais âge d’or pour nous, qui le considérons depuis le vingt-et-unième en sa jeunesse – âge du romantisme, du réalisme, du naturalisme et du symbolisme, dont les chefs-d’œuvre ont forgé notre goût et nourri nos esprits, âge des crieurs de journaux, des marchandes de violettes, des montreurs de marionnettes, des rémouleurs, des petits télégraphistes et des fiacres roulant sur le pavé de Paris. Surtout, Onuphrius représente brillamment le genre littéraire qui nous est cher : la nouvelle, qui requiert l’art d’émouvoir, d’amuser, d’attacher et d’instruire le lecteur en peu de mots.
La nouvelle, le conte, l’histoire courte, la micro-fiction diront même les plus hardis : voilà bien ce qui nous amène ici, et qui nous réunit à vous, amis lecteurs, vous qui aimez, beaucoup, souvent passionnément, les histoires contées à l’heure du thé ou au coin du feu, quand elles sont inspirées et joliment tournées. Des nouvelles, il s’en publiait dans la presse, parfois en première page des journaux, à l’époque où Maupassant écrivait dans le Gaulois, Gil Blas ou le Figaro. Les lecteurs français en raffolaient, les recueils s’arrachaient par milliers d’exemplaires. Le genre continua de donner de beaux fruits au 20ème siècle, en France (Morand), en Argentine (Borges), dans le monde anglo-saxon (Conrad), et jusque dans la lointaine Corée du sud (connaissez-vous l’inénarrable Lee Seung-U ?)… Le roman peut bien avoir imposé, peu à peu, sa quasi-hégémonie, la nouvelle est toujours vivace et réserve de bien grandes délices ; comme la poésie, elle est aujourd’hui l’affaire d’une bienheureuse confrérie virtuelle. Pour faire partie de cette élite, point n’est besoin de passe-droit : il suffit de fréquenter ses œuvres et ses cercles, par la rencontre directe d’aficionados, par le livre ou par l’écran. Cette fine fleur a ses auteurs, ses éditeurs, ses revues, ses recueils, ses concours, ses sites et ses blogs. Nous souhaiterions qu’elle eût ses salons.
Au sein de cette humble et vaste communauté d’esprit, orchestre de chambre où chaque instrument est un soliste, Onuphrius a sa propre mélodie à faire entendre : celle de nouvelles contemporaines, nettement ciselées, redevables – quelque modernes que puissent être leurs sujets – à la tradition léguée par Tourgueniev, James, Barbey d’Aurevilly, Nerval, Mérimée, Villiers de l’Isle-Adam, Alphonse Karr ou l’immense Huysmans, clairement directionnelles dans leur conception du temps, immédiatement compréhensibles à tous, respectueuses de la syntaxe par bienveillance, de la ponctuation par courtoisie. Mais si Onuphrius a ses préférences esthétiques, il n’a point d’exclusives, et les écritures avant-gardistes ont ici toute leur place, pour peu qu’elles parlent à nos cœurs. En outre, suivant notre fantaisie, nous vous ferons découvrir des écrivains d’autrefois, oubliés ou méconnus, qui s’entendaient à composer de bonnes histoires ; et, pour varier les plaisirs, c’est parfois sous forme sonore que nous vous présenterons ces contes de jadis, lus par un comédien de notre petite société.
Le programme que nous nous assignons est modeste mais ambitieux : vous proposer, un dimanche sur deux – mais avec l’espoir de passer au plus tôt à une périodicité hebdomadaire –, une nouvelle ou un conte de qualité, inédit ou, en raison de son intérêt, repris des presses amies, de recueils épuisés, de journaux disparus. Cette nouvelle pourra être française, francophone ou étrangère – en ce dernier cas traduite dans la langue de Balzac. À cette rubrique principale, d’autres pourront, avec le temps, s’ajouter : entretiens avec des nouvellistes, chroniques de recueils parus, actualité des revues. Nous contribuerons ainsi, à cent quatre-vingt-cinq années de distance, à réparer l’injustice dont souffrit Onuphrius Wphly, l’artiste incompris – trop sensible pour un public superficiel, trop original pour de raisonnables bourgeois –, à lui restituer ses idées éparses ; et le Jeune-France qu’il était recevra l’hommage des Vieille-France que nous sommes.
Pour l’heure, place à notre première nouvelliste ! Elle est française – et même franc-comtoise –, se nomme Victorine de Regnonval, travaille le jour dans un ministère et écrit le soir de savoureuses histoires. Le texte que voici, intitulé La Vareuse du commandant, est sa première nouvelle publiée. Nous formons le vœu que ce numéro inaugural d’Onuphrius lui porte bonheur, et que cette parution soit suivie d’autres, nombreuses ; le talent qu’elle montre ici ne nous laisse aucun doute à cet égard.
Le grand concile du phalanstère
Bonjour,
Est-ce possible de vous proposer un manuscrit ? Si oui, veuillez me donner l’adresse à laquelle je devrais l’envoyer.
Cordialement
Cher Monsieur, rien de plus simple : vous pouvez nous écrire à courrier@onuphrius.fr. A bientôt !
J’aurais dit plutôt Croisset…
C’est le retour de Médan !
On y revient, et ça fait du bien.
Ma foi, c’est intéressant tout ça ! Ce serait bien de pouvoir s’abonner pour être prévenue quand il y a une nouvelle qui paraît. Bonne chance et bon vent !