Le petit Landais et l’armée de tournesols

Marianne Desroziers   

      Je suis Le petit Landais, sculpture de Robert Wlérick de 1906, exposée au musée Despiau-Wlérick de Mont-de-Marsan. Durant une nuit, j’ai pris vie. Vous vous demandez comment cela est possible. Je vais essayer de vous l’expliquer, même s’il n’est pas aisé d’exposer à des esprits rationnels comment une sculpture peut se transformer en petit garçon. Bien sûr, si vous connaissez l’histoire de Pinocchio écrite par Carlo Collodi, ce sera plus simple.

     Le 28 juillet 1997 en pleine nuit, à quatre heures trente du matin, le musée Despiau-Wlérick, situé dans le donjon Lacataye, était désert. C’est ici qu’une certaine Marguerite de Navarre rédigea l’Heptaméron en 1546. Depuis 1968, le site est devenu un musée dédié à la mémoire de deux sculpteurs locaux qui connurent une destinée mondiale : Charles Despiau et Robert Wlérick.

     Cette nuit-là donc, le musée était vide, hanté seulement par des sculptures en bronze, marbre, plâtre. Des bustes de femmes fières, des corps graciles d’enfants, des géants terriblement humains. L’enfant aux sabots était là aussi, dans la même pièce que moi. C’était un copain d’école. Monsieur Wlérick avait voulu que nous posions tous les deux pour lui. Moi je n’en avais pas très envie. Mon père avait brandi l’argument de la postérité : tu seras célèbre pour toujours, tu seras l’ambassadeur de nos belles Landes.

     Ma mère avait insisté en arguant le fait que c’était payé et qu’on avait besoin d’argent. J’avais accepté de mauvaise grâce. Ce n’était pas si terrible que ça finalement, juste un peu long peut-être.

     Cette nuit-là, l’enfant aux sabots ricanait bizarrement, comme toujours depuis des lustres, et moi j’étais là, jambes croisées, main droite tenant mon genou, regard triste, huit ans pour toujours. Quand soudain, je sentis des fourmillements dans mes orteils ; ils montèrent dans mes mollets et mes cuisses. Bientôt, je sentis mon corps entier me chatouiller. Je bougeai d’abord un orteil, puis une jambe, un bras et enfin je tournai la tête. Je me levai. C’était bon de se trouver debout après être demeuré assis durant presque un siècle. J’eus tout de suite envie de quitter ce musée aux froids et humides murs de pierre. J’avais envie de soleil et d’air pur. Je commençai par sauter à terre. Comme c’était agréable de sentir enfin le sol sous mes pieds, et non plus ce socle ridicule, censé me mettre en valeur. Je traversai plusieurs salles d’exposition. Cela faisait du bien de se dégourdir les jambes. En passant devant les autres sculptures, je vis qu’elles étaient jalouses de mon pouvoir. L’expression de leur visage changeait, la ride du lion se creusait entre les yeux des jeunes femmes d’habitude radieuses et lisses, les commissures de leurs lèvres descendaient comme si elles étaient en colère ou qu’elles fussent sur le point de pleurer. J’étais bien désolé pour elles mais je ne pouvais emmener personne avec moi. Si elles se concentraient bien, peut-être certaines sculptures pourraient-elles bouger un jour ? Enfin… pour celles qui avaient des pieds ! car pour les nombreux bustes, je ne vois pas comment cela serait possible. Etre un buste c’est être condamné à l’immobilité. Étrangement, presque toutes les sculptures de buste étaient des femmes. Comme si le sculpteur avait voulu réduire les femmes à leur visage, objet d’admiration pour les hommes, les privant de corps, donc d’action. Les sculptures en pied ont plus de chance. Imaginez un instant que les géants se libèrent de leur socle, sortent du musée et envahissent la ville. Comment réagiraient les passants ? Les géants seraient certainement embarqués par la police et inculpés pour troubles à l’ordre public.

     Mon père était sur la place de Lesperon le 9 mars 1906. Syndicaliste, il luttait pour ses droits avec d’autres résiniers. Les métayers se révoltaient alors dans plusieurs villages des Landes contre les propriétaires, seuls bénéficiaires des hausses que connaissait alors le cours de la résine. Les conflits avec les forces de l’ordre étaient violents, je le sais, j’ai tout vu, j’y étais. Mon père a été molesté, emprisonné, jugé, condamné. Jamais je ne leur pardonnerai de lui avoir fait subir ça, en plus de la misère qui était notre lot quotidien. Je sais que les ouvriers étaient parfois violents aussi, ce n’était pas des enfants de cœur.  À Beylongue, ils ont retenu des propriétaires prisonniers et les ont menacés de mort. Mon père ne faisait pas partie de ce groupe, ou alors je l’ignore, on ne dit pas tout aux enfants.

     J’étais un gamin sensible, rêveur. On disait pour me charrier que j’étais tout le temps dans les jupes de ma mère. C’est vrai que j’aimais la tendresse de ma mère, j’aimais rester près d’elle, me délecter du contact de sa peau, m’enivrer de son odeur. Mais je m’aventurais souvent seul hors de la maison, partant à l’aventure sur les routes de campagne. J’adorais la forêt des Landes, sa lumière si particulière, différente selon les saisons et les moments de la journée. J’avais souvent peur dans la forêt. Je craignais d’y croiser un sanglier, un serpent ou un chasseur qui me prendrait pour un jeune chevreuil et me tirerait dessus avec sa carabine. Les hautes montagnes de troncs d’arbres coupés par les forestiers me fascinaient particulièrement. J’avais une envie irrésistible de les escalader pour m’élever vers le ciel et voir la forêt d’en haut. Dans le même temps, elles m’impressionnaient : majestueux monuments sylvestres qui menaçaient de s’effondrer sur moi, d’ensevelir mon corps d’enfant sous des tonnes de bois, brisant ainsi chacun de mes pauvres petits os. J’imaginais le craquement de mon squelette sous les troncs d’arbres tombant sur moi en cascade.

     Mon père était un homme fort, un homme fier, un roc au cœur de la forêt des Landes. Il était instruit, même s’il n’était pas beaucoup allé à l’école. Il savait lire, écrire, compter, travailler. Pour le reste, il avait tout appris seul. Appris à ne pas baisser la tête devant les puissants. Appris à défendre son honneur et celui de ses camarades de lutte. Son père, mon grand-père, était berger mais il avait dû devenir résinier pour survivre. J’ai peu de souvenirs de lui, il est mort quand j’avais quatre ans. Je me souviens seulement de son odeur de tabac et de résine, de ses mains calleuses et de sa voix grave.

     Je cherchai la sortie du musée. Toutes les portes étaient fermées. J’étais sur le point de me résoudre à passer une nuit de plus entre ces murs, et à attendre que le gardien vienne ouvrir les portes, au matin, pour me faufiler dehors, quand je repensai à ce que me répétait mon père : « Fiston, ne te résigne jamais. Se résigner c’est mourir à petit feu. » Alors, pris de folie, je m’élançai contre le mur et passai à travers sans difficulté, comme si c’était un simple voile de tulle. Enfin au grand air ! Il faisait nuit. Il faisait doux. Je traversai le jardin botanique qui fait partie du musée, saluai les sculptures qui s’y trouvaient, respirai à plein nez les plantes aromatiques, thym, menthe, romarin. Sous le kiosque, j’admirai la maquette en peuplier grandeur nature du Maréchal Foch sur son cheval, réalisée par Robert Wlérick. Je quittai les jardins et marchai dans la ville, puis, m’éloignant du centre, je m’en allai vers la campagne. Je marchai longtemps. Marcher, sentir le sang circuler dans mes veines, avoir mal aux muscles des mollets, un point de côté, se sentir essoufflé : quelle joie d’être vivant !

     Je vis la maison où nous habitions. Je me demandai si un autre petit garçon dormait dans mon lit, comment il était, s’il me ressemblait, s’il aurait pu être mon ami, si sa mère à lui aussi lui préparait du riz au lait. Je passai devant la maison du sculpteur. Je me souvins des séances de pose, de mon impatience, de la concentration de l’artiste, de son regard perçant. Je me souvins de l’émotion qui étreignit mes parents quand ils virent leur petit garçon devenu œuvre d’art.

     Comme mon père, j’entendais me révolter. Quand le jour se leva, je fus ébloui par un champ de tournesols. C’était décidé : j’allais lever une armée de tournesols, ensemble nous allions venger mon père. Nous attaquerions les élus, les gendarmes, les propriétaires terriens qui ont tant opprimé les miens. J’imaginais déjà mes soldats du soleil s’arrachant à leur terre sèche, sortant des champs pour me suivre sur la route, paradant derrière moi, grands et droits, illuminant l’horizon, à la conquête du monde. Une fois à la mairie, crachant leurs graines en direction des élus. Leurs visages en sang, implorant qu’on leur laisse la vie sauve. Mes tournesols ne se déplaceraient pas sans leurs abeilles. Celles-ci attaqueraient aussi les élus, réduits au rang de suppliciés dans les enfers. Après quoi, direction la gendarmerie. Eux aussi passeraient un mauvais quart d’heure. Quant aux propriétaires radins, exploiteurs d’ouvriers agricoles, j’attacherais moi-même la corde pour les pendre. Je ne fis rien de tout cela. Je m’endormis dans le champ de tournesols.

    Au petit matin, je me trouvai tout étonné de n’être qu’une sculpture dans un musée de province. Qui eût cru qu’une  œuvre d’art pouvait rêver ?

Marianne Desroziers

Conversation avec Marianne Desroziers

« Mon rapport au réel est toujours filtré par l’imaginaire »

Onuphrius – Marianne Desroziers, dans une nouvelle assez humoristique, Le Vice enfin puni, vous mettez en scène une femme si absorbée par ses lectures qu’elle a le sentiment – mieux, la certitude – de vivre plusieurs vies. Elle se voit successivement homme ou femme, patriarche ou jeune premier, pleutre ou aventurière… Sa méthode de lecture est d’ailleurs toute personnelle, puisqu’elle suit patiemment l’ordre alphabétique des auteurs que sa bibliothèque recèle, en espérant vivre assez longtemps pour atteindre Virginia Woolf ! (Souhaitons-lui de poursuive le voyage jusqu’à Zola.) Au passage, nous apprenons quelques-unes de ses préférences. Pour nous en tenir aux lettres A, B, C : Aymé, Borges, Calvino, Lewis Caroll, Cortazar. Cette lectrice vorace et drolatique, est-ce vous ?

Marianne Desroziers – Pendant longtemps je me suis définie avant tout comme une (grande) lectrice. Vorace : oui, je l’ai été, je le suis beaucoup moins, non que mon appétit se soit émoussé, mais j’ai maintenant besoin aussi de temps pour écrire et pour vivre tout simplement. Pendant longtemps mon écriture se nourrissait beaucoup des livres des autres. De plus en plus, elle se nourrit de ma vie et d’autres arts (cinéma, peinture, photographie). Quant à être drolatique, je crains de l’être assez peu, dans mes écrits du moins, où je confesse une attirance coupable pour la noirceur, voire le tragique. D’ailleurs, Le Vice enfin puni a un côté léger mais également dramatique, à bien y regarder.

O. – De la lecture à l’écriture, il y a un pas que vous avez franchi. La nouvelle dont nous parlions fait partie d’un recueil intitulé Lisières, beau titre qui fait référence au limites poreuses, dites-vous, « entre la réalité et l’illusion, le banal et l’extraordinaire, le monde des vivants et celui des morts. » La frontière entre réalité et surnaturel est parfois atteinte, puisque plusieurs de vos textes s’inscrivent dans le genre fantastique. De même, dans une nouvelle plus récente, L’Enfance crue, c’est un simple réveille-matin, à l’effigie du lapin d’Alice aux pays des merveilles, qui sert de pivot entre la chambre de la jeune héroïne, Ligie, et la forêt imaginaire dans laquelle elle s’engouffre. D’ailleurs, cet ailleurs onirique est ambivalent : objet de désir, il est aussi le lieu d’angoisses. Quel dessein – esthétique, narratif, émotionnel – poursuivez-vous lorsque vous entraînez le lecteur dans cet au-delà du réel ?

M. D. – J’ai un rapport très instinctif à l’écriture. Pour moi, la littérature c’est la liberté absolue. Je me laisse guider par mon envie du moment, et cela m’emmène souvent sur une piste fantastique. J’essaie de suivre chaque piste jusqu’au bout, et cela finit dans le meilleur des cas par aboutir à une nouvelle, un roman ou un poème (du poème de trois vers à celui d’une centaine de pages). Régulièrement, j’ai la prétention ou la folie de croire que quelques lecteurs curieux y trouveront un intérêt, comme un écho à leurs peines, leurs joies, leurs espoirs, leurs doutes, leurs désillusions et leurs rêves.

O. – Dans la nouvelle que vous nous proposez aujourd’hui, Le petit Landais et l’armée de tournesols, l’élément surnaturel se double d’une dimension sociale que l’on a davantage l’habitude de rencontrer dans la littérature naturaliste ou réaliste ! Pouvez-vous nous révéler la genèse de ce conte, et nous dire s’il a un quelconque rapport avec votre propre expérience, ou celle de votre famille ?

M. D. – Il est vrai que la dimension sociale n’a commencé à être présente dans mes écrits que très récemment. C’est pourtant quelque chose qui m’intéresse beaucoup. Le petit Landais et l’armée de tournesols est né d’une visite au Musée de Mont-de-Marsan. J’ai commencé à écrire l’histoire de cette sculpture qui prend vie et s’enfuit du musée. Ce n’est qu’en cours d’écriture que j’ai songé à lier ce petit garçon landais à l’histoire sociale de la région. J’ai toujours vécu dans le Sud-Ouest (aujourd’hui à Bordeaux, auparavant dans le Lot-et-Garonne), et la forêt des Landes titillait mon imaginaire. Il n’a pas été compliqué de faire des recherches sur la situation de la classe ouvrière dans les Landes à l’époque où l’artiste Wlérick réalisa la sculpture, ni d’utiliser ces éléments pour expliquer la colère du petit Landais et son désir de vengeance.

O. – Il y a un passage amusant de la nouvelle, où les autres statues du musée envient leur jeune « frère » rendu à la vie. L’enchaînement des idées est assez caractéristique d’une pensée enfantine, déliée et primesautière : « J’étais bien désolé pour elles mais je ne pouvais emmener personne avec moi. Si elles se concentraient bien, peut-être certaines sculptures pourraient-elles bouger un jour ? Enfin… pour celles qui avaient des pieds ! car pour les nombreux bustes, je ne vois pas comment cela serait possible. Etre un buste c’est être condamné à l’immobilité. » Ne faut-il pas avoir gardé une âme d’enfant, pour écrire cela ?

M. D. – Peut-être. J’ignore pourquoi, mais mon rapport à l’enfance est très fort : ma propre enfance, mais aussi les enfants et adolescents d’aujourd’hui, que je ne me lasse pas d’observer comme d’étranges petits animaux (fossé des générations oblige). Je me sens souvent du côté des enfants plus que de celui des adultes. Les enfants ont une énergie débordante, un monde intérieur très riche, leurs chagrins et leurs joies sont démultipliés. Et bien sûr, pour eux tout est encore possible, du moins en apparence…

O. – Le récit, onirique en lui-même, s’achève par une sorte de « rêve dans le rêve ». Est-ce une manière de dire que l’imaginaire est infini, qu’il existe toujours un plus haut degré de fiction ?

M. D. – Incontestablement, je crois plus que tout au pouvoir de l’imagination et aux vertus de la fiction. Mon rapport au réel est toujours filtré par l’imaginaire. L’écriture est comme un immense terrain de jeu à ciel ouvert : j’essaie d’en profiter au maximum, de ne me fixer aucune limite, de dépasser mes inhibitions. Oui, l’imaginaire est infini, et l’écriture (l’art en général) permet toutes les audaces et les inventions les plus improbables. C’est ce que j’aime à dire aux jeunes dans mes ateliers d’écriture : j’essaie de les inciter à se saisir de cette opportunité créative, à ouvrir une porte.

O. – Dans une autre nouvelle récente, Le grand départ, la narratrice est une jeune fille de onze ans, et l’ambiance est tout autre. Elle aussi a un rêve, seule issue possible du cauchemar qu’elle vit, de foyer en famille d’accueil ; ce rêve, c’est naturellement partir. On a peine à croire que le même écrivain soit à l’œuvre dans Le Petit Landais et dans Le grand départ: tout diffère – à première vue du moins –, à commencer par le style, soutenu dans l’un, malgré ses éclairs d’enfance, oral et populaire dans l’autre. Comment parvenez-vous à « changer de peau » si vite ?

M. D. – Comme nous l’évoquions, je refuse de m’enfermer dans un style, un niveau de langue, un schéma narratif ou même un genre littéraire. J’aime naviguer partout, y compris en eaux troubles. Le point commun entre ces deux nouvelles est qu’elles ont été inspirées par une œuvre. Pour Le grand départ, il s’agit d’un dessin de l’artiste Victor Soren (dont une autre œuvre illustrera d’ailleurs mon prochain recueil, à paraître en mars 2018). Pour Le petit landais, c’est la sculpture de Wlérick. Le grand départ est un hommage à Zazie dans le métro de Raymond Queneau ; j’ai écrit cette nouvelle avec en tête le film de Louis Malle et le sourire irrésistible de la petite fille sur l’affiche : c’est ce qui a imposé ce langage oral, fleuri et enfantin. C’était un peu un exercice de style, sans pour autant être un pastiche – comme j’ai pu m’amuser à en commettre par le passé (en particulier de Virginia Woolf et de Marguerite Duras).

O. – Revenons au Vice enfin puni. Une citation de Borges met la narratrice dans un état de sidération tel qu’elle se tait au beau milieu d’une phrase – ce qui produit d’ailleurs un effet comique ; vous écrivez : « Je finissais mon thé quand tout à coup. Je sais, en général on met tout sauf un point à ce moment-là, sauf que moi, c’est précisément à ce moment-là que ma vie s’est terminée. Donc point (si vous permettez). » On apprend ensuite la teneur de cette citation-choc : « La certitude que tout est écrit nous annule ou fait de nous des fantômes. » Qu’avez-vous trouvé dans ces mots qui provoque un tel effet – et qui vous pousse à les reprendre en exergue à L’Enfance crue ?

M. D. – Peut-être que je me prends parfois pour un fantôme ! Ma première nouvelle publiée en 2010 dans la revue des éditions Léo Scheer était déjà une histoire de fantôme. C’est un motif récurrent dans mes textes, y compris dans mon roman en cours. Il se trouve que j’ai commencé à écrire après un long passage à vide, suite à la mort d’un être cher. La lecture, activité pourtant solitaire, m’a permis de reprendre pied dans la vie et d’aller vers les autres, à travers la création d’un blog littéraire, puis la reprise d’une formation dans les métiers du livre et un emploi en médiathèque. L’écriture était la suite logique de ce processus de résurrection, tout en tissant un lien avec mes morts (y compris les auteurs morts), et plus largement l’invisible, l’au-delà. En ce qui concerne le fait que tout soit écrit, pour en revenir à la citation de Borgès (un auteur que je vénère), il est difficile pour un jeune auteur d’oser se lancer dans l’écriture après avoir lu Borgès, mais aussi Céline ou Proust. Alors imaginez la dose d’inconscience nécessaire pour prétendre publier, et qui plus est être lu ! Je suis donc inconsciente puisque j’écris. Mais je refuse d’être annulée, je préfère être un fantôme. Comprenne qui pourra.

Propos recueillis par Reinette Sahraoui

Lisières, éditions Le penchant du roseau, 2012.
L’Enfance crue, éditions Lunatique, 2014.
Ma mère en automne, poésie, éditions Gros Textes, coll. Alpes Vagabondes, 2017.
Blog littéraire de l’auteur : Marianne Desroziers.