N°4 – Le retour d’Edouard Rod

     Pour la première fois depuis sa récente création, notre revue rend hommage à un maître-nouvelliste d’autrefois. Si nous avons souhaité vous faire découvrir – ou redécouvrir – Edouard Rod (1857-1910), c’est parce que nous avons aimé la verve, la drôlerie et la poésie de ses Nouvelles romandes, publiées en 1891. Le romancier, critique et journaliste suisse, qui fut l’ami et le disciple de Zola, y montre un grand talent de conteur naturaliste. Dans Le Retour, dernière nouvelle du recueil (qui en compte neuf, certaines longues, en plusieurs parties), Edouard Rod croque, non sans grincement et ironie, la bonne société des dames de Nyon, sa ville natale. Le portrait n’est guère flatteur, mais ce qu’illustre ce Parisien d’adoption, c’est l’esprit bourgeois dans sa déclinaison provinciale. Perdue parmi ces figures grotesques et cocasses, se dresse Nathalie, beau personnage de vieille femme, au corps et à l’esprit blessés et brisés par une vie de quasi-servitude, mais qui n’a rien perdu de sa dignité.

     Nous avons conservé la ponctuation originale de l’auteur, quoiqu’elle paraisse quelquefois relever de la bande dessinée, récemment créée alors, en Suisse précisément ; on notera la fréquence des points d’exclamation suivis de points de suspension. On appréciera surtout la variété des registres et la vélocité du style : aux dialogues émaillés d’idiotismes, aux traits acérés, succède le pur portrait psychologique : Déjà, dans la lassitude de cette arrivée (…), elle voyait poindre comme un regret de tout ce qui jusque-là avait été sa vie. N’aurait-elle pas mieux fait de rester là-bas pour mourir au milieu de sa fausse famille, entourée de ces soins charitables et qui semblent affectueux qu’on a pour les vieux chevaux, les vieux chiens et les vieux serviteurs ? Ici, elle était chez elle, c’est vrai, mais tout lui semblait étranger ; arrivée depuis une demi-heure, elle attendait encore au salon, comme une visite qui fait antichambre.

     L’édition de 1891 est accompagnée de six dessins du grand Louis Rheiner ; Le Retour n’en comporte pas ; nous avons donc demandé à l’une de nos talentueuses illustratrices, Nehama Rosenstein, d’en livrer son interprétation.

     Puisque nous n’avons pas été initiés à faire tourner les tables à Guernesey, ce numéro 4 d’Onuphrius ne proposera point d’interview.

Jean-David Herschel

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