Onuphrius – Violette de Valtour, coquet pseudonyme pour Valérie de la Torre ! C’est pourtant sous votre nom véritable que vous publiez vos livres pour la jeunesse. Est-ce à dire qu’il y a en vous deux écrivains : la romancière pour enfants et adolescents, et la nouvelliste ?
Violette de Valtour – Il y a en effet deux écrivains en moi, mais Valérie de la Torre est plutôt l’écrivain résolument moderne. Sous mon vrai nom, j’écris en effet principalement des textes pour la jeunesse mais aussi des nouvelles contemporaines et un roman de fiction en littérature générale sur lequel je travaille depuis plusieurs mois. J’ai en revanche décidé de signer de mon pseudonyme Violette de Valtour les nouvelles “Belle-Epoque” qui sortent désormais de mon imagination.
O. – Comment êtes-vous passée d’un registre à l’autre, de la littérature pour la jeunesse à la nouvelle, et pour répondre à quelle nécessité intérieure ?
V. V. – Mon désir de devenir écrivain remonte à ma tendre enfance. Au départ je me voyais auteur en littérature générale. C’est la fréquentation intensive d’enfants à travers mon métier de professeur des écoles qui m’a donné l’idée d’écrire pour eux. Mais mon envie profonde d’écrire pour les adultes ne m’a jamais quittée et j’ai désormais décidé de lui faire une place dans ma vie d’auteur.
O. – La région dont vous êtes originaire – pays de Francis Jammes et de Jules Supervielle – exerce-t-elle quelque influence sur votre écriture ?
V. V. – Plus ou moins… J’ai ressenti le besoin, à moment donné, que ces racines soient à l’honneur dans mes textes. Deux de mes albums pour la jeunesse se déroulent dans mes Pyrénées natales et évoquent, pour l’un, l’histoire d’une brebis, pour l’autre, celle d’une petite vache.
O. – Dans une précédente nouvelle, L’Étage de la maison Belrose, publiée dans la revue L’Ampoule, chère aux amateurs de textes sombres et fantasques, vous mettez en scène une étrange confrérie, une société secrète dont l’activité principale est de « bramer ». Des messieurs ordinairement raisonnables s’y abandonnent à cette espèce de cri primal, de catharsis volontaire. Serait-ce, selon vous, le dernier recours de l’homme moderne, écrasé par l’absurdité des ordres et des désordres auxquels il est soumis, que de se dépouiller de toute apparence de raison, pour retourner à l’état de nature ?
V. V. – Parfois, je le crois. Vous savez, il y aussi en moi deux personnages : la femme joviale et sociable qui se nourrit par exemple de rencontres avec le public dans les salons du livre, mais aussi, plus secrète, la femme qui se nourrit de solitude et de longues marches dans la nature. J’ai lu pas mal de romans relatant des expériences érémitiques et j’y suis particulièrement sensible.
O. – La Bouteille de monsieur le préfet est plus satirique encore. Les époux Dutilleul, sont entièrement tendus vers l’impression qu’ils veulent donner d’eux-mêmes, lors d’un dîner auquel ils invitent des notables. Ils ont leurs ridicules, mais ce ne sont pas des personnages caricaturaux. Edmond est conscient de son manque d’assurance, se sent parfois gagné par le découragement, quoiqu’il n’y laisse rien paraître ; Sidonie sait sous quel artifice se cache son mari, bien qu’elle ne l’ait pas entièrement percé à jour, et déjoue habilement l’impair d’un de ses hôtes. Ce sont des caractères composites, dont la complexité apparaît en aussi peu de temps que le permet une nouvelle, ce qui est une belle réussite. Nous révélerez-vous quelle inspiration fut à l’origine de cette petite “étude de la vie de province” ?
V. V. – Un jour de “ras-le bol” des contraintes sociales dans ma propre vie quotidienne, j’ai eu l’idée d’écrire une satire de cette société des apparences qui nous oblige à composer avec des codes et à aller parfois à mille lieues de notre personnalité profonde, bien plus que de raison. J’ai transposé cette histoire à une autre époque car mettre une certaine distance temporelle m’en a facilité l’écriture.
O. – L’un des thèmes de cette nouvelle semble être la vanité de nos efforts pour être approuvés par autrui. Edmond s’imagine que son succès dépendra d’une bouteille de vin, dans le choix de laquelle il place des trésors de réflexion et d’espoir ; puis tout s’effondre en un instant. Au fond, sous ses airs de comédie, cette histoire est un drame !
V. V. – Oui dans le fond, c’est exactement cela. Vous avez vu juste!
O. – Mais il arrive que l’on s’affranchisse un instant du regard des autres. Dans une autre de vos nouvelles, Une petite fugue, William, l’animateur de l’EHPAD, transgresse le règlement pour offrir à une pensionnaire nostalgique une promenade au bord de l’étang de son enfance. Le temps s’abolit pendant quelques minutes de bonheur usurpé. Allez-vous continuer de camper, d’une nouvelle à l’autre, des époques, des thèmes et des personnages très contrastés ?
V. V. – C’est en effet mon intention. Je ne m’interdis absolument rien et entends bien emprunter les multiples chemins vers lesquels mon imagination me conduira…
O. – Merci !
V. V. – Merci beaucoup pour vos questions !
Propos recueillis par Jean-David Herschel